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La véritable compassion
 
 

« Les gens déjà chargés de leur propre misère sont ceux
qui entrent davantage par la compassion dans celle d'autrui
 »
(
Jean de La Bruyère)

« Heureux ceux qui ont de la compassion pour autrui,
car Dieu aura de la compassion pour eux »
(Evangile de Matthieu 5.7, BFC)

 
 

Dans notre monde moderne, devenons-nous insensibles aux problèmes des autres ? Non, pas insensibles, mais tous ces drames que vivent tant de personnes sont tellement quotidiens, presque habituels et si nombreux qu’ils en deviennent banals. Et pourtant, que de douleurs ils ne disent pas. Que de drames nous sont cachés. Nous ne sommes pas insensibles, mais acceptons l’irrémédiable comme fatalité et l’irrémissible avec indifférence. Et lorsque l’événement a lieu au bout du monde, notre intérêt diminue avec la distance.

Nous sommes blasés, gavés d’informations. Nous acceptons le cynisme, l’égoïsme comme des marques regrettables, mais inévitables de notre époque. Nous nous donnons bonne conscience par nos prières ou bonnes pensées. Ça ne suffit pas, mais que pouvons-nous faire ? Je me demande souvent si nous ne devenons pas, comme beaucoup de nos contemporains, indifférents et découragés !

Cela dit, je n’aime pas le mot compassion, il me fait penser à commisération ou apitoiement. Je lui préfère intérêt. Je ne trouve rien d’extraordinaire à marquer de l’intérêt pour les autres et particulièrement pour ceux qu’on aime et qu’on estime. Et si on remplaçait compassion par amour de son prochain ! N’est-ce pas le rôle du chrétien d’aider autrui ? Et lorsque ce sont des amis, c’est un devoir.

Notamment, face à la maladie, on voudrait aider nos malades, prendre un peu de leur douleur, de leur détresse, leur donner un peu de nous-mêmes, mais on ne peut rien faire. Ça nous est interdit par la nature qui garde ses prérogatives. Nous sommes dérisoires et coupables d’être en bonne santé, on voudrait s’excuser. Chacun porte sa croix mais elle ne pèse pas le même poids pour tous. C’est tellement pénible, insupportable, la souffrance, l’angoisse dans le regard de ceux qui souffrent. On a mal de les voir malades, mais ça n’est pas assurément d’un grand secours et nous affliger ne les aide pas vraiment. On leur doit notre présence malgré notre inquiétude ; notre tendresse les aide à supporter leurs douleurs. Notre force avec l’aide de Dieu les rassure et leur donne confiance. Mais, que ces moments sont difficiles à gérer.

L’école de la vie est parsemée de chausse-trappes qu’il faut gérer et le bon sens n’est pas toujours au rendez-vous. Lorsque le doute oblitère notre jugement et sème la panique, lorsque le pire s’empare de notre esprit contre toute logique, nous devons puiser dans toutes nos ressources pour faire bonne figure et cacher notre peur. Car c’est la peur qui nous étreint, peur de perdre ceux que nous aimons. Le bon sens, la raison, n’y peuvent rien. Cette peur ancestrale de la mort nous aveugle et nous rend sourds à la raison.

Mais, grâce à Dieu, il y a en nous une petite flamme qui donne la force de refuser le pire et de surmonter l’angoisse. Force indispensable pour soutenir le malade, lui communiquer un peu de confiance. Notre présence affectueuse ne soulage pas, mais aide à supporter le mal. Nous ne sommes pas préparés à surmonter ces calamités, ces outrages à la santé. Nous refusons ces avatars qui fustigent notre culture.

La mort, la souffrance sont dégradantes et insulte à notre esprit fort d’occidentaux. Deux attributs de la vie que nous considérons comme punition d’un Dieu terrifiant, réminiscence d’un passé pas tellement éloigné. Mais, foin de ces considérations philosophiques, soyons forts et présents pour ceux qu’on aime. Les fardeaux de nos amis sont nos fardeaux. Que serait un ami qui ne prendrait que les fardeaux légers et laisserait les plus lourds ? Et quid d’un chrétien qui resterait indifférent à la douleur de l’autre ?

René Ferré

 
 
 
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